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28/02/2022

[ NUANCE]

    •    En général, différence délicate entre qualités très voisines. S'emploie en esthétique pour différents ordres de faits :
    •    Dans les arts de la couleur (peinture, tapisserie, broderie, arts du feu…) le terme désigne, soit de fines différences de valeur, ou des valeurs très voisines à l'intérieur d'une couleur (un bleu très pâle, un bleu pâle, un bleu clair, un bleu moyen…), soit, plus souvent, des gradations presque insensibles entre des couleurs très voisines, des tons très proches les uns des autres dans une région du spectre assez étroitement délimitée (un bleu turquoise, un bleu-vert glauque, un vert d'eau…).
    •    En musique, le mot désigne des différences ou changements dans la force des sons, et l'emploi expressif de telles différences dans un faible écart d'intensité.
    •    En littérature, les nuances sont des variations subtiles de l'expression et du ton, traduisant les modalités ou degrés finement différenciés dans les sentiments, les caractères, les rapports entre les personnes.
    •    Il existe une esthétique générale de la nuance, dans la préférence pour les impressions délicates, les différences peu sensibles et pourtant ressenties, les oppositions amorties et jouant sur une étroite échelle. C'est elle que préconisait Verlaine dans son Art Poétique : " Car nous voulons la Nuance encor,/ Pas la Couleur, rien que la Nuance ! ". À exclure ainsi les tons francs et fortement caractérisés, les grands intervalles, on peut obtenir des oeuvres exquises ; mais il y a risque, si l'on n'y veille de près, de tomber dans la fadeur.

---> DEMI-TEINTE, SUBTIL.

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31/01/2022

[ MALADRESSE ]

    •    La maladresse est le défaut d'un artiste qui n'est pas en pleine possession de son art, ou ne contrôle pas suffisamment ses mouvements ; une maladresse est ce qui, dans une oeuvre, témoigne de ce défaut chez son auteur. Il y a maladresse, par exemple, à faire dévier un trait, à poser une tache de couleur à côté de l'endroit exact où on voulait la mettre ; c'est une maladresse, non plus de la main, mais de l'esprit, que de placer un paragraphe là où il nuit à l'effet des paragraphes voisins et où ceux-ci nuisent au sien. La maladresse porte sur la précision d'action de l'artiste et sur la perfection technique de l'oeuvre ; elle n'empêche pas la présence de qualités de conception, ou d'idées intéressantes, ou même de trouvailles, mais elle empêche d'en tirer dans la mise en oeuvre tout le parti qu'elles mériteraient.

---> DISGRACIEUX, GAUCHE.

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31/12/2021

[ LUMIÈRE ]

    •    Radiations dont l'action sur l'oeil humain produit les impressions visuelles. La lumière est donc d'abord une condition nécessaire à la perception des oeuvres d'art s'adressant à la vue (arts plastiques, arts du spectacle).
    •    Outre son rôle dans l'existence de ces perceptions, la lumière influence aussi leurs qualités. Elle donne aux couleurs des apparences différentes, selon qu'elle réunit toutes les radiations de la lumière blanche solaire, ou seulement celles d'une partie de son spectre (différence entre la lumière du jour et les lumières artificielles ; mélanges de couleurs par éclairage d'une surface colorée avec une lumière colorée). La direction dont vient la lumière modèle les reliefs en y déterminant des zones éclairées et des zones d'ombre, ce qui est très important pour les oeuvres d'architecture ou de sculpture ainsi que pour l'art du théâtre.
    •    Enfin la lumière peut être en elle-même le matériau de certains arts qu'on peut grouper sous le nom général d'arts de lumière. Les uns utilisent des matières transparentes pour les faire traverser par la lumière (verre, vitrail). Les autres utilisent les reflets de la lumière sur les surfaces lisses. Enfin beaucoup sont des arts de créer des sources de lumière et des objets lumineux ; tels par exemple les illuminations, les feux d'artifice, les fontaines lumineuses, etc. Très souvent les arts de lumière jouent sur l'apparence d'immatérialité désincarnée que prend la lumière, et sur la splendeur qu'elle crée dans la nuit ou l'obscurité, pour faire naître une atmosphère d'émerveillement, et des catégories esthétiques telles que le féérique, le fantasmagorique, le fantastique, le merveilleux.

---> ARTIFICE, ÉCLAIRAGE, ILLUMINATION.

 

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30/11/2021

[ KALÉIDOSCOPE ]

    •    Étymologiquement, "qui fait voir de belles images". Le nom indique déjà que le principal intérêt de cet instrument optique est d'ordre esthétique. C'est un tube où deux longs miroirs sont accolés pour former un dièdre de 30° ; pour qui regarde par un bout, les reflets des miroirs l'un dans l'autre donnent des menus objets placés à l'autre bout (généralement des morceaux de verre colorés) une image multipliée qui forme une rosace. Chaque mouvement de ces objets engendre une rosace nouvelle, due au hasard ; c'est donc un instrument de compositions aléatoires, en nombre infini. Le kaléidoscope est parfois utilisé dans les arts plastiques, surtout décoratifs, pour donner des idées. L'interprétation de ses images comme représentatives a aussi été utilisée pour l'invention littéraire. Mais le kaléidoscope est souvent apprécié pour lui-même ; ses puristes considèrent même les autres utilisations comme des déviations. L'adjectif kaléidoscopique est employé par analogie pour qualifier toute succession d'images indéfiniment renouvelées.

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31/10/2021

[ JARGON ]

    •    Jargon est à l'origine une autre forme du mot argot ; il désigne au sens propre ce que les linguistes appellent une langue spéciale, c'est-à-dire une langue qui sur le fonds commun d'une langue vivante courante développe un vocabulaire particulier à un groupe d'individus, compréhensible aux seuls initiés, obscur pour le grand public. Le mot a désigné plus particulièrement, vers la fin du Moyen Âge, la langue secrète des malfaiteurs (voir, par exemple, les poèmes en jargon, de Villon). On a aussi appelé jargon, surtout vers les XVIIè et XVIIIè siècles, tout langage mêlé de termes dialectaux ou étrangers. Toutes ces formes de jargon présentent des aspects pittoresques et ésotériques, parfois amusants, qui les rendent susceptibles d'utilisations littéraires intéressantes.
    •    Mais on emploie aussi jargon pour désigner un langage maladroit, aux mots déformés, ou au contraire un langage trop savant, ou celui d'une petite coterie qui n'a des motifs bien vains pour ne pas parler comme tout le monde. Cet emploi du terme jargon est alors péjoratif, et on blâme un écrivain quand on dit qu'il use de jargon.

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30/09/2021

[ IMPAIR ]

    •    Qui n'est pas divisible par deux. Ce terme ne se définit que par rapport à ce qu'il n'est pas, aussi ne prend-il d'importance esthétique que par relation avec le pair. Dans une disposition triangulaire, pentagonale, une mesure à trois temps… c'est bien plus le trois, le cinq, qui apparaissent positivement, que le non-deux (on sait combien les nombres trois et sept ont été auréolés de valeur magique). Le terme d'impair est donc un terme d'esthétique lorsque des éléments en nombre impair se trouvent disposés dans une structure binaire, ou qu'on aurait attendue telle.
    •    Dans les arts plastiques, et surtout les arts décoratifs et l'architecture, l'impair a une propriété importante dans les cas de symétrie : un des éléments est placé en position centrale, donc forte, sur l'axe. Une symétrie d'éléments pairs fait passer l'axe par un vide. Un péristyle à un nombre pair de colonnes met les entrecolonnements en face des portes en nombre impair, avec une porte au milieu de la façade.
    •    En littérature, dans le vers impair c'est-à-dire impair de syllabes, cette imparité est un peu sensible dans les vers courts ; mais elle l'est beaucoup plus dans les vers de 9, 11 ou 13 syllabes quand une césure presque médiane les divise en hémistiches inégaux mais presque équilibrés. Cette disposition prête aux catégories en demi-teintes, aux appels sans réponse juste, aux évanescences et aux mélancolies. On sait que c'est l'exemple de Marceline Desbordes-Valmore qui a montré l'intérêt esthétique du vers impair, surtout dans le Songe intermittent d'une nuit triste, où Verlaine et en général les Symbolistes ont trouvé un modèle (Verlaine, Art Poétique : "De la musique avant toute chose/ Et pour cela préfère l'impair/ Plus vague et plus soluble dans l'air/ Sans rien en lui qui pèse ou qui pose").

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31/08/2021

[ HARDI ]

    •    À la fois audacieux et assuré. On a parfois traité de hardi, en littérature, ce dont le contenu heurte les opinions reçues ou courantes, ou les bienséances ; mais ce n'est guère là un sens esthétique. L'esthétique prend généralement hardi de manière laudative ; elle qualifie ainsi ce qui, dans une oeuvre d'art, chez un artiste, un écrivain, est nouveau, hasardeux (car ne s'appuyant pas sur des procédés éprouvés, et prenant des risques techniques), mais si fermement et même puissamment conçu ou exécuté que le résultat est heureux, simple et grand. On parle ainsi d'un style hardi, un plan hardi, etc. En architecture, s'applique surtout à ce qui défie la pesanteur et triomphe de fortes difficultés pour réussir à donner à un édifice une grande élévation.

---> AUDACE.

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31/07/2021

[ GESTATION ]

    •    Au sens figuré, période pendant laquelle un artiste, un écrivain travaille à une oeuvre en cours ; c'est aussi l'état de l'oeuvre pendant cette période. Pour l'auteur, la gestation est un état très particulier, de travail, mais aussi de préoccupation et même de hantise jusque dans la vie courante ; il a l'impression de vivre dans deux mondes à la fois, celui de l'oeuvre et le monde réel ; et il s'est orienté vers l'achèvement, il sent cependant avec l'oeuvre une intimité à laquelle il regrette souvent de devoir mettre fin. Pour l'oeuvre, ce n'est pas seulement l'inachèvement ; c'est un état dynamique de transformations perpétuelles ; les brouillons, les esquisses en donnent une idée, mais ne rendent pas l'essentiel, qui est ce statut de toujours mouvant.

---> CONCEPTION, ESQUISSE.

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30/06/2021

[ FARFELU ]

    •    Adjectif ancien, attesté du XIIIe au XVIe siècle sous des formes variées : farfelu, faufrelu, etc. Il appartient à la nombreuse famille issue du grec πομφόλυξ (pompholyx), ampoule de sérosité ou bulle d'air. Après un tour par l'italien, il est revenu nous donner fanfreluche. L'idée générale est celle de léger et plaisant, agréable, mais à ne pas prendre au sérieux. Dans Parthenopeus de Blois, une jeune fille courtisée par un jeune homme qu'elle hésite à croire sincère lui dit qu'il ne faut pas croire les galants "quand ils ont dit leur faufelue".
    •    Sous la forme farfelu donnée par Rabelais, le terme a été remis à la mode vers le milieu du XXe siècle, en y ajoutant l'idée d'une certaine bizarrerie. L'adjectif qualifie surtout des personnes, ou des comportements humains. On parle aussi de "genre farfelu" en littérature ou au cinéma : il s'agit d'oeuvres amusantes qui jouent sur une étrangeté allègre, en joyeux contraste avec la logique ou les lois ordinaires du réel.

---> BIZARRE

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31/05/2021

[ ÉBAUCHE ]

    •    L'ébauche est soit, en charpenterie, le dégrossissement du bois pour en faire une poutre, un balcon (du francique balk, "poutre"), soit l'extrait de mortier (cf. l'irlandais balc, "mélange boueux"). Elle est dans le bâtiment la préparation encore grossière d'un ouvrage. Par suite, elle est en peinture et sculpture la disposition préparatoire des masses ; et, dans un sens plus figuré en littérature et musique, elle est la mise en place des grandes lignes d'une oeuvre avec quelques fragments rédigés de manière encore provisoire (ceci la distinguant du simple plan).
    •    Elle est ambiguë. D'un côté, elle n'est qu'une esquisse approximative de l'oeuvre, prime essai d'organisation du matériau, sans valeur tel quel. D'où l'acception péjorative d'oeuvre informe qui n'a pas encore atteint son achèvement. De l'autre, elle est le temps du choix créatif qui, par un geste spontané ou médité, par l'ébauchoir, mène l'oeuvre de la velléité à la présence (cf E.Souriau, correspondance des arts, IV, XII) en marquant la matière d'une fin spirituelle transformant la nature en art. D'où une beauté imprévue, tels les Esclaves de Michel-Ange.
    •    Par là elle pose la question d'une herméneutique de l'origine matérielle, spirituelle de la création ; ainsi, selon Heidsick, "l'ébauche mentale (…) l'ébauche incessamment continuée (…) montrent très clairement comment l'oeuvre à venir détermine l'esquisse qui en est le chemin" (L'inspiration, III, 5).

---> CANEVAS, DÉGROSSIR, DESSIN, ESQUISSE.

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